Passer au contenu principal

Surfemme


Surhomme : Homme supérieur, libéré des normes sociales et agissant selon sa propre volonté de puissance. Être humain aux qualités exceptionnelles, qui se situe au-dessus de l'humanité normale. Synon., demi-dieu, génie. 

*** 

J’ai connu des artistes qui, lorsque venait le temps de monter sur scène, s’entouraient d’autres artistes moins talentueux qu’eux afin de mieux briller de tous leurs feux et ainsi brûler les planches. 

Similairement, j’ai observé plein d’hommes, au fil des ans, des amis comme des connaissances, qui choisissaient des femmes qu’ils trouvaient plus ou moins intelligentes afin de mieux briller à leurs côtés, le but, conscient ou non, étant évidemment de ne jamais se sentir dépassé, pire, inférieur à leur partenaire. Il faut dominer pour mieux régner. 

La domination maquillée 

Le surhomme, par définition, est un être exceptionnel agissant selon une force incroyable, une puissance remarquable. Pour y parvenir, le surhomme doit forcément se démarquer du lot, mieux encore, dominer. 

Le surhomme, par définition, ne peut pas évoluer à l’ombre d’un autre, encore moins à l’ombre d’une femme qui le dépasse, voire le surpasse. Et c’est bien souvent sous le couvert de la parité, de l’égalité et de l’ouverture à l’autre que des hommes en position de pouvoir engagent des femmes qu’ils dominent discrètement, en âge ou intellectuellement.

Un peu partout dans notre société, encore au XXIe siècle, les femmes servent encore trop souvent à divertir et à amuser, après avoir pris soin de tout le monde, bien entendu. Dans les médias, par exemple, ce sont habituellement des femmes qui présentent les chroniques dites « culturelles ». Elles parlent d’arts et de spectacles, de potins de vedettes tout comme de leurs comptes Instagram, somme toute de choses amusantes et bien superficielles. 

Elles parlent aussi de météo, de popotte et de bons vins, font des capsules légères ou absurdes, dites humoristiques, ou bien s’intéressent aux autres dans la bienveillance (le nouveau mot à la mode), la sensibilité et l’empathie. En général, les femmes doivent apparaître agréables, souriantes, soumises, courtoises, généreuses, gentilles. 

La politique, les enjeux sociaux, l’économie, l’argent, les sports, les analyses et les critiques acerbes sur notre société demeurent des domaines réservés aux hommes apparemment brillants et prestigieux. Car là, c’est du sérieux, et eux, ça tombe bien, on les prend justement au sérieux. La virilité, synonyme de puissance et de vertu, vient toujours avec une certaine crédibilité. 

La surfemme, elle, (le terme n’existe pas dans le dictionnaire, mais allons-y tout de même), c’est celle qui parviendrait à penser, à critiquer ou encore à diriger sans déranger les normes ni personne, ni représenter aucune menace pour les hommes en position de pouvoir. Et voilà précisément pourquoi le mot n’existe pas dans le dictionnaire : mission impossible. 

Par définition, les femmes doivent déranger avec puissance et beaucoup de volonté pour obtenir l’égalité, et donc une partie du pouvoir, faire évoluer les choses, se libérer de normes sociales contraignantes et ainsi transformer notre société. Et le surhomme, lui, le vrai, ne devrait pas seulement accepter ce fait, mais leur faciliter la tâche en leur faisant une place véritable, sans fausse modestie, ni fardage ni maquillage, et partager le vrai pouvoir. Ce serait là, effectivement, une qualité exceptionnelle, géniale, presqu'un demi-dieu, un homme supérieur qui surpasserait enfin la norme.

*** 

« Bon nombre d’hommes cultivés et pétris de qualités sont disposés à chanter nos louanges pour notre capacité à distraire en suscitant des émotions (traditionnellement, que sait faire une femme, si ce n’est faire passer agréablement les heures ?), mais ils gardent rigoureusement pour eux la littérature qui révolutionne, celle qui avance en terrain miné, celle qui stimule l’affrontement politique et la lutte héroïque avec le pouvoir, celle qui, impavide, s’expose au danger pour prendre la défense des valeurs fondamentales. Dans l’imaginaire collectif, le courage de traverser le monde en luttant avec des mots et des actions reste le terrain des intellectuels de sexe masculin. Par une sorte de réflexe culturel conditionné, on attribue encore aux femmes le balcon d’où elles peuvent contempler la vie qui passe, afin de la raconter ensuite avec des paroles immanquablement fragiles et délicates. Mais tout cela est en train de changer. Partout dans le monde, dans toutes les spécialités, nombre de femmes écrivent avec lucidité, avec un regard ferme, avec courage, et sans concéder aucune page mielleuse. La diffusion d’une intelligence féminine qui produit de l’écriture d’une grande force littéraire est devenue évidente. Mais les lieux communs ont la vie dure : les femmes émeuvent et divertissent tandis que, depuis leurs chaires de prestige, les hommes enseignent comment, avec des paroles viriles et des actions plus viriles encore, on façonne et refaçonne le monde. » 
– Elena Ferrante, Femmes qui écrivent, dans Chroniques du hasard (Gallimard, 2019)

Messages les plus consultés de ce blogue

Les fausses belles femmes

Après les Femmes poupées, femmes robotisées , voilà maintenant de fausses belles femmes dans un factice concours de beauté. Totalement artificielles, ces femmes, vous comprenez, ces différentes images ayant été générées par l’intelligence artificielle (IA) - (lire  Miss AI - Un podium de beauté artificielle ). Pour faire simple, il s’agit en réalité d’une vraie compétition toute féminine de la plus belle fausse femme créée par des hommes. Vous me suivez ? Non, on n’arrête pas le progrès. Ce sont majoritairement des hommes qui se cachent derrière la fabrication de ces images de fausses femmes. Des créateurs masculins qui passent sûrement d’innombrables heures devant un écran d’ordinateur à créer la femme idéale (ou de leurs rêves, allez savoir), à partir, on s’en doute, de leurs désirs, fantasmes, idéaux et propres standards de beauté – la beauté étant dans les yeux de celui qui regarde évidemment. Une beauté exclusivement physique, rappelons-le.  Même le jury est artificiel – à l’excep

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en