Passer au contenu principal

Mauvaise période


Il n’est pas question, ici, des Canadiens ou même d’un match de hockey – désolée mesdames et messieurs –, mais bien du commentaire du maire de Saint-Barnabé, M. Michel Lemay. En avez-vous entendu parler ? C’était dans Le Nouvelliste récemment.

Monsieur le maire de Saint-Barnabé, lors d’une belle assemblée dans son comté, sans doute fâché par la tournure des évènements mettant en lumière ses propres « irrégularités », a parlé de « mauvaises décisions » de certaines personnes « qui n’étaient pas dans leur assiette, qui étaient dans leur période ce soir-là », faisant bien sûr allusion que certaines femmes devaient être menstruées lors du vote. Et vous savez ce que c’est, des femmes menstruées ? Sans doute toutes en même temps en plus ? Vous imaginez le désordre, le « chaos hystérique » qui devait régner dans la municipalité ! En plus du « climat toxique » déjà existant, apparemment.

On en est encore là. Eh oui, ça existe encore. Qu’est-ce que vous croyez ? Que nous avons évolué et que nous vivons maintenant dans une société progressiste et égalitaire où tout est réglé ? … Eh bien, non. Détrompez-vous.

Plusieurs croient encore, comme ce fut le cas dans l’histoire de la médecine pendant des siècles, que les menstruations provoquent chez les femmes des désordres intellectuels, malgré la science, les avancements, le progrès et le progressisme. La femme demeure, et demeurera encore longtemps, pour plusieurs, une « dangereuse matrice » dont le système interne et les différents appareils sont à craindre - Ordre vs désordre (2).

Encore aujourd’hui, au XXIe siècle, plusieurs croient que le cycle menstruel, voire le système reproducteur féminin au grand complet, constitue en soi un problème, une atteinte à la productivité socioéconomique des femmes, une période durant laquelle madame n’est pas tout à fait elle-même, pas complètement fonctionnelle, et que tout ça, « ces affaires-là », ça crée des problèmes, des désordres, tant à l’interne qu’à l’externe.

Pas plus loin que l’été dernier, le propriétaire d’un café, en me parlant de ses employées – que des serveuses – affirmait sans rougir : « Elles ont toutes leur période du mois compliquée… sauf une. C’est fini, elle, en bas. » Eh oui, en 2019, on entend encore des choses comme ça, en plus du « beaucoup trop d’informations », merci.

Mais monsieur « [l]e maire s’est ensuite excusé, après avoir été sommé par une citoyenne de le faire. » On salue au passage cette femme tenace qui a tenu tête au maire, sans doute dans les règles de l’art… Et ça aussi, s’excuser après avoir affirmé ce que l’on pensait vraiment, sincèrement, n’est-ce pas dans l’ère du temps ?

Or des grandes gueules qui pensent et qui disent n’importe quoi sur la place publique, ç’a du bon, vous voyez. Ça nous permet de les relever, de les souligner en rouge, d’illustrer par là même ce que les femmes dénoncent depuis toujours : le « deux poids, deux mesures », le « double standard », la misogynie, le sexisme, les préjugés envers les femmes, leur corps, leur intelligence, leurs habiletés à penser, à critiquer, à décider, à diriger, etc.

Ça nous permet également de « faire sortir le méchant », comme on dit, d’évacuer ces vieilles idées profondément ancrées dans l’inconscient collectif, de les examiner de près, dans toute leur grossièreté, leur préjudice, afin, un jour, de les éliminer complètement.

Car ces vieilles idées des siècles passés perdurent. Elles ont la tête dure. Alors il faut sans cesse recommencer, répéter, marteler le même message encore et encore, tout en dénonçant les irrégularités du système en place comme celles de certains maires. Bonne période ou pas, à chaque mois, c’est pas mal à recommencer, mais ça…

Messages les plus consultés de ce blogue

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit