Passer au contenu principal

Ocytocine et politique


Depuis quelques semaines, je suis en « rupture politique » (et il semble que je ne sois pas la seule ce printemps). C’est lui, l’enfoiré, mon « ex » oui, qui m’a laissé tomber. Fâchée, réactionnaire et question de lui en mettre plein la gueule, je me suis tout de suite mise en mode recherche, sachant pourtant très bien que des partis indépendantistes au Québec, ça ne court pas les rues (Électrice libre cherche parti politique).

Et puis pendant des jours, j’ai observé et pris bonne note de mes agissements ainsi que des pensées qui me traversaient l’esprit, sorte d’autoanalyse à laquelle toujours je m’adonne. Et effectivement, j’ai remarqué que j’étais aussi marabout et en beau joualvert que lorsqu’on se fait dompter par quelqu’un, ou que le mec te dit qu’il va t’appeler mais ne le fait pas, ou encore que ton conjoint te laisse tomber pour une plus jeune… bref, ce genre de truc insupportable mais néanmoins inévitable de la vie plate. Ça emmerde, même que ça fait mal.

Tout à coup, ton « ex » apparaît vraiment plus con, plus niaiseux, absurde, idiot qu’auparavant, ou bien tu crois y « voir » beaucoup plus clair maintenant : « Aïe, aïe, aïe, check-le qui fait un fou de lui ! Mais quel imbécile, celui-là ! Mais comment ai-je pu être avec ce type pendant toutes ces années ?! » … Faut dire que certains commentaires lancés dans l’espace public frisaient en effet le ridicule, nourrissant ainsi mes doléances et mes frustrations : « Quoi ?! C’était une blague ?! Vous appelez ça de l’humour, vous, madame ?! … N’importe quoi. »

Même que mon « ex », contrairement à ses habitudes, a répondu à mon courriel exprimant ma déception et ma séparation afin de justifier sa décision : « Pour Québec solidaire, ce sont les institutions qui sont laïques, pas les individus. Pour être clair, le port d’un signe religieux, pour un employé de l’État, ne représente donc pas une entrave au principe de laïcité. » Et comme une vraie frustrée qui vient de se faire larguer, j’ai détruit tous ses arguments sans détour, sans jamais lui répondre : « Ben voyons donc ! Comme si les institutions étaient désincarnées ! Ce sont les gens, bande de colons, les employé-es de l’État qui donnent vie à nos institutions ! … Mais qu’est-ce qui lui est arrivé, à ce parti, bon yenne ?! ... Pfft ! D’la marde. »

J’ai même rêvé à la « représentante en chef » de mon ex-parti - non, je ne la nommerai pas, ça me fait trop mal en dedans… Dans le rêve, elle était vraiment fâchée contre moi, elle ne voulait même plus me parler. (Pure réorganisation cognitive de la dompée endeuillée durant le sommeil.)

Et puis, après quelques jours d’observations introspectives, je me suis demandé : « Coudonc, est-ce que je sécrétais de l’ocytocine pour mon parti politique, moé là ?? »

L’ocytocine, c’est la molécule de l’attachement. Ça en prend pour tisser des liens entre les humains, les mammifères, les primates en général, et se tricoter du tissu social, forger des liens, d’amour et d’amitié. « En outre, l’ocytocine joue un rôle dans les liens sociaux et atténue la phobie sociale. »

À l’inverse, un bris d’attachement est forcément vécu comme un déchirement, non pas des ligaments, mais néanmoins interne, qu’il soit socio-affectif, émotionnel, spirituel ou autre. Et une rupture, sociale et viscérale, un maillon rompu dans ton tissu social, ça fait toujours mal…

Car au cœur de cette rupture, quelle que soit sa nature, il y a la perte, et celle-ci vous plombe dès lors l’existence, vous entraînant irrémédiablement dans ce lamentable va-et-vient, ce fameux tango « tristesse-colère », un pas de deux lourd et parfaitement merdique qui consiste à la fois à pleurer l’objet perdu tant aimé pendant des années, tout en étant suffisamment en colère contre lui pour s’en détacher complètement.

Et moi qui pensais que ma relation politique était simple et purement basée sur la solidarité. Mon tissu social vient de manger une volée…

Messages les plus consultés de ce blogue

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit