Passer au contenu principal

La dissidente à la fleur


J’aime les femmes qui dérangent, toutes les femmes qui dérangent, même celles avec lesquelles je ne suis pas d’accord – à moins qu’elles incitent à la violence, à la criminalité ou à croire à des théories imbéciles ou complotistes. Faut être réaliste et pragmatique, même dans nos plus beaux idéaux. 

J’aime les femmes qui s’expriment ouvertement et intelligemment. J’aime les femmes qui se révoltent, qui revendiquent, qui perturbent les normes (sociales, patriarcales, capitalistes, entre autres). Bref, j’adore les dissidentes, les effrontées, les révoltées et les rebelles de toutes les sortes. 

Et depuis quelques mois déjà, j’ai une nouvelle idole, une autre femme insoumise, indocile et intraitable qui s’ajoute à ma longue liste d’insurgées, de féministes enragées, d’anarchistes ou de rebelles écœurées : la dissidente iranienne Masih Alinejad. 

Masih! Masih! Masih! 

Masih Alinejad est une journaliste devenue activiste par la force des choses, des injustices vécues à répétition et des inégalités observées entre les hommes et les femmes (entre son frère et elle notamment, depuis sa tendre enfance) dans son pays natal. Si vous ne connaissez pas encore cette dissidente à l’énorme crinière ornée d’une fleur, alors visionnez tout de go ce documentaire de la CBC : The Dissidents. (C’est gratis en plus, ce petit bijou.) 

Cette femme est une furie en beau fusil, une furieuse, une révoltée, une lionne qui se met constamment et réellement en danger pour l’égalité des sexes et des opportunités dans son pays, luttant contre un dangereux régime d’oppression arriéré. Et c’est de toute beauté de la voir aller. C’est même touchant, inspirant. Si vous croyez vivre dans un pays où la liberté est brimée par le beau Justin Trudeau et notre premier ministre François Legault, allez manifester en Iran et crier « Libârté ! ». 

Tout aussi important, maintenant, que ses revendications : sa manière de faire. Masih Alinejad incarne à elle seule tout ce que l’on a dit aux femmes de ne pas faire, depuis la nuit des temps, comme parler fort, crier, s’insurger, déranger, être émotive, pire, pleurer en public comme à la télé. Masih pleure tantôt de rage, tantôt de tristesse, ensuite de joie, puis de pure colère ou de profonde indignation lors de ses entrevues. Et l’avez-vous vu couper une mèche de ses cheveux sur MSNBC en septembre dernier, énervée, tremblant de rage et d'émotions ? Cette femme est un livre ouvert d’émotions et de revendications. (Visionnez Masih Alinejad: ‘A Little Bit Of Hair’ Is The Reason Amini Was Murdered By Morality Police, 6min.32)

Il y a quelques décennies seulement, on aurait accusé cette femme excessivement courageuse d’être une « hystérique » – une maladie inventée de toutes pièces par des hommes en position de pouvoir et d’autorité (médicale), soit dit en passant, et qui, dans les faits biologiques, neurologiques et médicaux, n’a jamais existé. On l’aurait sans aucun doute internée. 

Masih Alinejad est une révolutionnaire, une vraie, une humaniste remplie de révoltes, de revendications, d’émotions, d’authenticité. Elle a du front tout le tour de la tête, une fleur dans ses cheveux surdimensionnés, un regard perçant, une posture de défi, et se révolte infatigablement partout où elle passe comme une lionne indomptable qui n’a pas froid aux yeux. Une véritable dissidente, quoi. J’aime tellement cette femme que je voudrais la serrer dans mes bras et l’embrasser. 

Masih, en persan, signifie « messie », comme ce « sauveur reconnu par les chrétiens dans la personne de Jésus ». Masih Alinejad (de son vrai prénom Masoumeh) parviendra-t-elle à « sauver » les femmes iraniennes de cette république islamique passée date, révolue et moyenâgeux ? Seule l’histoire nous le dira. Et en attendant de voir ce qu'il se passera en Iran, après des mois de lutte, de manifestations et de soulèvement de tout un peuple, alors que sa vie est constamment en danger, on a juste envie de soutenir et de protéger cette dissidente à la fleur. 

Yes, this is the moment my dear. Longue vie à Masih.

*** 

En lien : Manif Iran: « Femme, vie, liberté » 

(Image : capture d’écran sur le site de CBC)

Messages les plus consultés de ce blogue

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Pour en finir avec Cendrillon (2)

Pour clôturer leur saison 2022-2023 en grand, les Grands Ballets canadiens de Montréal nous proposent un autre classique insupportable, sexiste et passé date, un « ballet classique chatoyant », un « spectacle magique pour toute la famille », Cendrillon . Ben voyons donc.  Il existe maintes versions de ce conte très ancien, inspirant différents films, ballets, pantomimes et opéras. Plusieurs œuvres chorégraphiques ont vu le jour durant les périodes préromantique et romantique du XIXe siècle, il y a de cela plus de 200 ans. Et le ballet Cendrillon qui s’inscrivit au répertoire classique, sur la musique de Sergueï Prokofiev, est lui aussi basé sur le conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du XVIIe siècle et repris par les frères Grimm au XIXe siècle. Déjà, ça part mal.  Bien connu du grand public, le récit met en scène une orpheline, petite « chatte des cendres » qui, grâce à ce mariage avec un prince charmant, parvient enfin à se sortir de la mi