Passer au contenu principal

Mode de scrutin: le cynisme de M. Legault


« Y’a personne qui se bat dans les autobus au Québec pour changer le mode de scrutin », affirmait le premier ministre du Québec François Legault, à la 27ième minute de son entrevue avec les journalistes de Radio-Canada dimanche dernier

Vrai. 

On ignore quand le premier ministre a pris l’autobus la dernière fois, mais effectivement « la population » ne se bat dans les transports collectifs à ce sujet. On est trop occupés à se rendre à temps au travail. 

Or, sans se battre entre nous, « la population » discute toutefois. Et pas seulement « quelques intellectuels », oh que non. Le peuple se parle franchement et se souvient. On se parle entre autres du bon vieux temps. On se remémore les belles promesses et les engagements alors que M. Legault lui-même siégeait dans l’opposition… en 2018. Ce n’est pas si loin que ça. 

« La population » se souvient notamment d’un engagement, une entente signée qui plus est, alors que c’était une priorité parmi toutes les priorités, promis par la Coalition avenir Québec (CAQ) si elle était élue. 

Le 9 mai 2018, entre autres exemples, lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale, alors que M. Legault était chef du deuxième groupe d’opposition, et en présence de ses camarades « des oppositions », il déclarait ceci : 

« On le sait, ça fait longtemps au Québec qu'on parle d'une réforme du mode de scrutin. Il y a eu des états généraux qui ont commencé en 2002 puis qui ont fini en 2003. Pour moi, on n'est plus à l'étape des débats, on est à l'étape de l'action, on est à l'étape que ce projet devienne une réalité. Il y a un consensus qui commence à se dégager, d'ailleurs on en a la preuve ici aujourd'hui. Je pense que c'est une excellente nouvelle. Parce qu'on le sait, sur les enjeux importants, la population s'attend à ce qu'on collabore davantage, qu'on travaille davantage ensemble, qu'on fasse preuve de plus d'ouverture. Et, même s'il y aura toujours des choses importantes qui vont nous séparer, je pense que les Québécois sont tannés de la vieille politique, et ce qu'on annonce aujourd'hui, c'est un pas dans la bonne direction. Donc, je suis heureux, aujourd'hui, de réitérer mon engagement. Si nous sommes élus le 1er octobre, un gouvernement de la CAQ va déposer un projet de loi dans la première année de son mandat et un gouvernement de la CAQ va mettre en branle une réforme du mode de scrutin pour être adoptée dans son premier mandat. Donc, je pense que le système actuel nous a bien servis, mais il montre de plus en plus ses limites. Les citoyens sentent que leur vote compte de moins en moins. Le statu quo vient nourrir le cynisme au Québec. La proportionnelle mixte, c'est un système qui a fait ses preuves dans plusieurs États dans le monde, qui va donner plus de poids à chaque vote. C'est un bon compromis pour nos régions, c'est un bon compromis pour notre démocratie, c'est un bon compromis pour le Québec. C'est pour ça que je suis heureux que ça fasse partie du programme puis des priorités d'un éventuel gouvernement de la CAQ. Donc, en terminant, je tiens à souligner le travail exceptionnel du Mouvement Démocratie nouvelle. Vous pouvez compter sur nous. » 

Alors donc, M. François Legault décide aujourd’hui de manquer volontairement à sa promesse, de renier sciemment son engagement « s’il était élu » et de nourrir délibérément le cynisme au Québec, son « principal adversaire » disait-il alors, en faisant de la « vieille politique ». 

Et ça, à court et moyen terme, selon ses propres dires, ça risque d’être dangereux : 

« De plus en plus, les citoyens sont informés et de plus en plus les citoyens veulent participer. Même s'ils s'intéressent moins, entre les élections, à la politique, il reste que, quand même, les gens veulent être représentés, veulent participer aux décisions, puis c'est une façon de le faire. Donc, moi, je pense qu'un gouvernement qui ne respecterait pas cette volonté-là des citoyens se retrouverait en difficulté à moyen terme. » 

Qu’il se le tienne pour dit.

-----

Photo : Sylvie Marchand, « L'art de tourner en rond », La Grande roue de Montréal, Vieux-Port, juin 2022. 

Messages les plus consultés de ce blogue

Les Grands Ballets canadiens et la guerre commerciale américaine

La guerre commerciale «  made in USA  » est commencée. De toutes parts, on nous invite à boycotter les produits et les services américains. Quoi ? Vous songiez aller en vacances aux États-Unis cette année ? Oubliez ça ! Il faut dépenser son argent au Canada, mieux encore, au Québec. Dans ce contexte, on nous appelle également à boycotter Amazon (et autres GAFAM de ce monde) ainsi que Netflix, Disney, le jus d’orange, le ketchup, le papier de toilette, etc. – nommez-les, les produits américains –, en nous proposant, et ce un peu partout dans les médias québécois, des équivalents en produits canadiens afin de contrer la menace américaine qui cherche ni plus ni moins à nous affaiblir pour ensuite nous annexer. Les Américains sont parmi nous  Pourtant, les Américains sont en ville depuis longtemps. Depuis 2013, en effet, les Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM) offrent une formation américaine ( in English, mind you , et à prix très fort qui plus est) sur notre territo...

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

«Boléro» (2024), l’art de massacrer la danse et la chorégraphe

  Réalisé par Anne Fontaine ( Coco avant Chanel ), le film  Boléro  (2024) porte sur la vie du pianiste et compositeur français Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) durant la création de ce qui deviendra son plus grand chef-d’œuvre, le  Boléro , commandé par la danseuse et mécène Ida Rubinstein (Jeanne Balibar). Alors que Ravel connait pourtant un certain succès à l’étranger, il est néanmoins hanté par le doute et en panne d’inspiration.  Les faits entourant la vie de Maurice Ravel ont évidemment été retracés pour la réalisation de ce film biographique, mais, étrangement, aucune recherche ne semble avoir été effectuée pour respecter les faits, les événements et, surtout, la vérité entourant l’œuvre chorégraphique pour laquelle cette œuvre espagnole fut composée et sans laquelle cette musique de Ravel n’aurait jamais vu le jour.  Dans ce film inégal et tout en longueur, la réalisatrice française n’en avait clairement rien à faire ni à cirer de la danse, des fai...

«La Belle au bois dormant», y a-t-il une critique de danse dans la salle ?

«  Sur les planches cette semaine  » …  «  La Belle au bois dormant  est un grand classique et, en cette époque troublée, anxiogène, la beauté des grands classiques fait du bien à l’âme. Particularité de la version que présentent les Grands Ballets à la Place des Arts cette année : c’est un homme (Roddy Doble), puissant, imposant, sarcastique, qui interprète la fée Carabosse, comme l’a voulu la grande danseuse et chorégraphe brésilienne Marcia Haydée » écrit la journaliste Marie Tison, spécialiste en affaires, voyage et plein air dans La Presse .  Qu’est-ce qui est pire ? Une compagnie de ballet qui produit encore des œuvres sexistes et révolues ? Un homme qui joue le rôle d’une femme (fée Carabosse), rôle principal féminin usurpé à une danseuse ? Ou une journaliste qui ne connait absolument rien ni à la danse ni aux œuvres du répertoire classique, incapable du moindre regard ou esprit critique, qui signe constamment des papiers complaisants de s...

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle p...