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Le printemps misérable


Y a pas à dire, dix ans après la bruyante grève étudiante de 2012, que l’on appela exagérément le « printemps érable » au Québec, celui-ci ne passera définitivement pas à l’histoire, sous l’étiquette de « printemps misérable ». 

Crise climatique, réchauffement de la planète, crise du logement, hausse abusive des loyers, inflation fulgurante, hausse époustouflante du coût de la vie (et c'est loin d'être fini), manque de place en garderies, français menacé, prédominance de l’anglais, interminable « Quebec bashing » du « Rest of Canada », arrogance du pouvoir, dépenses folles et inflationnistes du gouvernement caquiste – seulement 6% de la population n’ont pas reçu les 500$ électoralistes du dernier budget –, et tout le reste, sans oublier évidemment cette crise sanitaire dont on s’extirpe péniblement, faisant encore, chaque jour qui passe, plusieurs morts. Nommez-les, les problèmes, c’est plein. 

Malgré tout ça, malgré d’innombrables sources d’indignation, on fait quoi, nous autres, au Québec, pour se faire entendre ? Eh bien, attention tout le monde, on organise des manifestations silencieuses, des marches calmes, gentilles, harmonieuses et bienheureuses. 

On est polis en titi, ici. Polis, soumis, souriants, obéissants. On demande calmement. On est bien élevés, nous autres, vous voyez. Et par-dessus tout, on n’aime ni la chicane ni les confrontations. Pour ces raisons, on trouve toujours un consensus bienveillant. C’est même dans notre ADN, apparemment. Notre tissu social est ainsi fait, tissé « d’insouciance et de légèreté ». 

Et après avoir pris des belles photos pis des selfies pendant l’aimable « manifestation » en question et les avoir partagés abondamment sur les réseaux sociaux pour montrer aux autres qu’on s’implique réellement dans notre société distincte fort agréable, on rentre tranquillement à la maison. Rien de terrifiant, donc, rien de menaçant à l’horizon. Tout ce beau monde se retrouvera assurément lors de la prochaine parade ou marche « mondiale ». 

Pendant ce temps, au Parlement, du haut de l’Assemblée nationale, le premier ministre du Québec François Legault, lui, est mort de rire. Trônant toujours dans les sondages, dans les intentions de vote du scrutin d’octobre prochain, il jette un coup d’œil rapide à ces marches au loin et retourne tout de go à sa véritable priorité : se faire réélire. 

En septembre 2019, alors qu’on parlait pourtant d’une marche « historique » rassemblant près d’un demi-million de personnes, qu’est-il arrivé depuis, dans les faits ? Rien, absolument rien. Même que nous régressons. Mais rassurez-vous, cher peuple mou en attente de solutions : « Votre appel est important pour nous. » 

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Photo : Sylvie Marchand, « Things are only gonna get worse », collant, graffitis et art de rue dans le « chic Plateau français », Montréal, avril 2022.

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