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Le règne de la sécurité


Ils sont partout, ils règnent depuis deux ans, et certains abusent allègrement de leur pseudo-pouvoir. 

Construisez le stade et ils viendront 

Mettez des règles sanitaires en place, et plusieurs humains, c’est certain, en abuseront. Et si, en plus, vous leur mettez un uniforme sur le dos et les rémunérez pour faire respecter les règles du gouvernement, alors là, ils jouissent tout simplement, se sentant soudainement investis d’une importante mission. 

Mais ce n’est pas vraiment de leurs fautes, vous voyez, ils ne font que leur boulot, ces pauvres humains : faire respecter les consignes établies par le gouvernement et la Santé publique. Et qui veut rouspéter avec les représentants du « gouvernement », les agents de l’ordre public ? 

Un peu partout, dans la ville, on a affaire à ces gendarmes des règles sanitaires, certains complètement soûls, grisés, obnubilés par leur nouveau pouvoir. L’enfer.  

À la Grande Bibliothèque, par exemple, où l’on retrouve, par les temps qui courent, presque autant de gardiens de sécurité que d’usagers, il faut entre autres s’armer de beaucoup de patience. Oui, certaines bibliothèques abusent des règles sanitaires. (Lire Des biblios plus strictes que strictes, Le Devoir, 7 fév. 2022.)

Plusieurs de ces gardiens de sécurité, hommes et femmes, voient à leurs tâches avec le surmoi d’un juge de la Cour suprême ou fédérale. Ils parcourent les couloirs, se promènent entre les rangées, à la recherche d’une faute commise ou bien d’un masque tombé sous le nez : « Monsieur, remettez tout de suite votre masque sur votre nez ! » 

Et plusieurs de ces gardiens, de même que certains employés, sont carrément zélés. À la porte de l’ascenseur, par exemple, il était inscrit, jusqu’à tout récemment, « 2 personnes maximum ». Une employée monta dans l’ascenseur, je fis de même ensuite, et voilà qu’arriva aussitôt un homme assez âgé muni d’une canne. 

« Montez, monsieur, montez !, lui lançais-je alors, ce n’est pas vraiment plus grave qu’on soit trois personnes là-dedans. » 

« Non!, s’écria sur-le-champ l’employée de style "matante toute énervée". C’est maximum deux personnes dans l’ascenseur ! La Grande Bibliothèque n’est PAS un lieu d’éclosion et nous souhaitons que cela demeure ainsi… » (suivi de beaucoup de blabla inutile, une logorrhée sur les règles de cette sacro-sainte-salubrité-sanitaire-sursaturée). 

Devant son insistance et sa diarrhée verbale sur les règles en place, l’homme, lui, recula. Mais ce court trajet ascendant me permit, pour ma part, de lui servir ma façon de penser : « Il ne faut quand même pas devenir fou avec tout ça, madame. Vous souvenez-vous du GBS, ma p’tite dame ? Étiez-vous dans le métro, vous, tantôt ?! Cinq secondes dans un ascenseur, avec des masques, vous pensez sincèrement qu'il y a des risques de contamination ?! ... » 

À l’entrée de la Grande Bibliothèque, on vous répétera également « les règles de la Bibliothèque » chaque fois que vous y mettez les pieds, alors qu’on les connait TOUS depuis des mois : lavage des mains, port du masque, distanciation physique, interdiction de manger, etc. Et si vous allez à la salle de bain, alors là, prenez bien garde, quelqu’un entrera sûrement en cognant brusquement à la porte tout en hurlant : « Sécurité ! Vérification des toilettes!» 

Mais calmez-vous, bon sang.

L’expérience de Milgram 

L’application parfois aveugle, voire abusive, des règles en place n’est pas sans rappeler la fameuse étude américaine faite en laboratoire, avec des humains, dans les années 60 : l’expérience de Milgram. Bien connue en psychologie, cette expérience, de même que les résultats, en avaient traumatisé plus d’un. 

L’étude en question évaluait le degré de soumission des gens (dits sujets) à une autorité, démontrant clairement que tout individu (n’importe qui) infligera de la douleur à autrui sous les ordres d’une autorité qu’il juge légitime, et ce, même si les actions à poser lui causent des problèmes de conscience. (Lire un résumé « Psycho sociale 101 » de l’expérience de Milgram.) 

En gros, donc, au diable le gros bon sens, les exceptions, l'évaluation de la situation et l’intelligence, il faut suivre les règles à la lettre et, plus important encore, les faire respecter si c'est ce qu'on nous demande.

Ces bons gardiens de l’ordre public n’infligent pas de chocs électriques aux citoyens, certes. Mais plusieurs s’acharnent sur les gens, certains savourant clairement leur petit pouvoir sur l’ordre social que leur octroie leur misérable uniforme. 

*** 

« Vous cherchez la sortie, madame ? 

- Non. Je vais au café juste là. 

- Oui mais la porte est fermée là-bas. Il faut absolument sortir par la porte principale, ensuite, madame! 

- Oui, oui, on sait tout cela depuis des mois. » 

Mais foutez-nous la paix, bordel ! Et allez plutôt faire régner le silence, dans cet endroit bruyant sans bon sens.

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