Passer au contenu principal

Figer


Dans la foulée du tsunami #MeToo/MoiAussi, il serait grand temps que l’on cesse de parler de la « victime parfaite » et que l’on discute enfin de physiologie, plus précisément de neuro-psycho-physiologie des agressions sexuelles.

Car dans nombreux cas d’agressions, lorsqu’on écoute les témoignages de toutes ces victimes, femmes et hommes, un dénominateur commun revient sûrement : « J’ai figé. »

Le figement est effectivement une réaction physiologique de base chez les animaux et les humains. Cela fait partie de ce que certains psychologues et spécialistes américains appellent les « 4F » : Fight, Flight, Freeze, Faint*. Se battre, s’enfuir, figer, s'évanouir sont là des réactions physiologiques automatiques inscrites dans le corps.

Selon la situation, le niveau de stress, la perception d’une menace, réelle ou non, d’une possible attaque ou d’un danger imminent, l’organisme humain réagit différemment, et surtout automatiquement, relevant alors d’une branche spécifique du système nerveux humain.

Certains individus peuvent ainsi se montrer féroces, réagir violemment devant une menace, tandis qu’ils prendront leurs jambes à leur cou dans une toute autre situation. Devant un autre type de stress, certaines personnes perdront carrément connaissance (c’est le cas de Sheldon Cooper* dans The Big Bang Theory, par exemple), alors que d’autres figeront sur place.

Et c’est de cette réaction physiologique du figement dont les analystes et les journalistes devraient s’emparer plutôt que du profil de la « victime parfaite », lequel, selon moi, envoie un très, très mauvais message à la population.

Lorsque tout le monde aura compris cette composante physiologique des agressions, peut-être parviendrons-nous enfin, comme société, à saisir à quel point il est difficile pour les victimes, les survivantes, de se défendre, alors qu'elles sont en réalité paralysées, ou même de partir en guerre contre leurs agresseurs après les faits.

Peut-être aussi que cela modifierait le traitement des plaintes à caractère sexuel, la façon qu’elles sont reçues au poste de police entre autres, ou encore, on l’espère, le système judiciaire au grand complet face à ce type de crimes où l’on blâme encore trop souvent les victimes.

Ce qui est clair toutefois, c’est qu’il reste encore beaucoup d’éducation à faire, tant sur les relations de pouvoir, les abus, les agressions sexuelles tout comme les réactions automatiques du corps des victimes.

-----
* À propos des réactions physiologiques automatiques, vous pouvez entre autres consulter Freeze ! Le figement, ou encore, S'évanouir ou fuir sans courir.

Messages les plus consultés de ce blogue

Les fausses belles femmes

Après les Femmes poupées, femmes robotisées , voilà maintenant de fausses belles femmes dans un factice concours de beauté. Totalement artificielles, ces femmes, vous comprenez, ces différentes images ayant été générées par l’intelligence artificielle (IA) - (lire  Miss AI - Un podium de beauté artificielle ). Pour faire simple, il s’agit en réalité d’une vraie compétition toute féminine de la plus belle fausse femme créée par des hommes. Vous me suivez ? Non, on n’arrête pas le progrès. Ce sont majoritairement des hommes qui se cachent derrière la fabrication de ces images de fausses femmes. Des créateurs masculins qui passent sûrement d’innombrables heures devant un écran d’ordinateur à créer la femme idéale (ou de leurs rêves, allez savoir), à partir, on s’en doute, de leurs désirs, fantasmes, idéaux et propres standards de beauté – la beauté étant dans les yeux de celui qui regarde évidemment. Une beauté exclusivement physique, rappelons-le.  Même le jury est artificiel – à l’excep

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en