Passer au contenu principal

Femmes consommables



Elles ne datent pas d’hier, ces maudites pubs à marde. Mais lorsque j’ai aperçu celle-ci, au début de l’été, cette gigantesque publicité de bières au métro McGill, j’ai pensé, comme une vraie hurluberlue habitant toujours la planète Utopie : « Pfft ! Ça ne passera jamais ! Dans l’temps de l’dire, ces affiches seront recouvertes de collants "pub sexiste" que les féministes apposent ici et là, au centre-ville de Montréal. Check ben ça… ! » Je suis repassée maintes fois devant depuis, jamais vu un seul collant, sapristi.

Neuf femmes consommables, mesdames et messieurs – neuf ! un vrai harem –, bien fraîches évidemment, et de préférence « à prendre » sur le bord d’un lac quelque part pendant vos vacances : la Brise du lac, la Ci-boire, la Matante, la Désirée, la Chipie, la Valkyrie, la Joufflue, la Belle Mer – quelqu’un devrait définitivement aller consulter –, ou encore la Nuit blanche – j’imagine que, comme Brise du lac, elle aussi n’est que de passage…

Il y en a d’autres évidemment, des femmes typées comme stéréotypées, mais à quoi bon les nommer. Je ne vais tout de même pas faire de la publicité pour ces produits sexistes d’Archibald Microbrasserie.

Toutes des femmes Blanches, bien entendu – ça ne passerait tout simplement pas, cela ne serait vraiment pas politically correct d’utiliser l’image d’une femme Noire, d’une Arabe ou d’une Chinoise. On crierait alors au racisme. Or, Archibald n’est pas raciste, il est juste sexiste. Et le sexisme, surtout entre gens d’une même « race », en l’occurrence entre Blancs, ça passe encore, mieux tout de même devant une bonne bière bien fraîche…

Tu veux quoi, mon homme ? Une p’tite blonde ? Une rousse ? Une brunette ? Une belle Joufflue pour l'après-midi ? Une Veuve noire pour le soir ? Une petite Coquine blonde, légère, bien rafraîchissante ? Ou juste une Tite 'Kriss pour emporter ? Dis-moi, mon vieux, qu'est-ce qui ferait ton bonheur ? C’est quoi que t’aurais envie de t’envoyer en arrière de la cravate, à’ soir, mon grand ? Car, nous autres, on brasse de la bonne bière pis de jolies jeunes femmes.

Mais tout ça, c’est évidemment pour une « bonne » mission… d’entreprise s’entend : « Avec en tête les valeurs de l’époque des conquérants, ils choisissent de bâtir leur entreprise autour de l’importance de [la] famille et de la cuisine authentique. Ils créent donc une famille de bières qui, selon la légende, sont à l’image des femmes qui ont marqué la vie d’Archibald Simons. C’est pourquoi, les bières de la microbrasserie Archibald portent toutes l’empreinte de femmes afin de rendre hommage à toutes celles qui participaient au succès familial, alimentaient les ventres creux… et les innombrables histoires racontées auprès des foyers. »

Oh wow, bravo M. Nolin - c’est lui l’entrepreneur derrière tout ça, Monsieur « Archibald le séducteur ». (Bon ça y est, un autre « visionnaire ». Laissez-moi rire.)

Mais Archibald, lui, persiste et signe, il est « archi-fière » en plus. On n’est clairement pas sortis du bois… des conquérants comme des colons.

***
Photo : Sylvie Marchand, « Femmes consommables », publicité, métro McGill, Montréal, 26 juillet 2019.

Messages les plus consultés de ce blogue

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit