Une autre belle illustration que nous vivons toujours dans une société machiste qui évolue à pas de tortue : la politique. Là où l’on a demandé aux femmes de se masculiniser, d’enlever leurs foulards, leurs bijoux, leurs accessoires et autres bébelles, et de faire comme les hommes, de se battre, de compétitionner, de parler comme eux.
N’avait qu’à regarder ce « grand » débat des chefs (qui volait plutôt bas, vu de chez nous) pour voir à l’œuvre la « norme-testostérone » à son meilleur avec, dans le ring, une femme, Manon Massé (qu’on a féminisée en lui mettant un beau collier puisqu’elle a déjà une moustache) et trois hommes (Couillard, Legault et Lisée) en veston-cravate, qui s’en donnaient à cœur joie, baignant dans ces combats des coqs politiques depuis toujours, comme Obélix dans la potion magique.
Ça pis la cour d’école...
Déjà, cette manière de faire, de débattre sans écouter, d’arguer à s’époumoner, d’interrompre l’autre pour marquer des points à tout prix, de lui en faire perdre en chemin, d’en mettre plein la gueule à son adversaire, est une recette hautement masculine éculée et révolue qui n’a plus sa place dans notre société. Ce n’est pas un match sportif (les boys), c’est du futur de notre société dont il est question.
Mais tout le monde joue le jeu. Les journalistes, les animateurs, les éditorialistes et les commentateurs politiques y vont tous de leurs évaluations comme s’il s’agissait d’un match de boxe ou d’une lutte à finir... car oui, ça frappait fort. (Avez-vous vu la caricature dans Le Devoir ?)
Alors que Michel David du Devoir y allait d’une note (B, B-, C-, etc.) comme dans un bulletin, les chroniqueurs du Journal de Montréal, eux, (version papier du vendredi 14 sept. 2018) présentaient leur évaluation finale en pourcentage, Manon Massé arrivant bonne dernière avec 66,67%.
Or malgré toutes ces belles évaluations de combat, ces notes distribuées ça et là, et autres « analyses comptables », il manque encore une fois un ingrédient essentiel, une donnée pertinente à l’expérience humaine globale, le ressenti. Eh oui, le ressenti (aussi appelé, pour moins effrayer les hommes, l’intelligence émotionnelle, une notion inventée par un homme – don’t get me started on this) qui provient de notre premier vrai cerveau (on en a deux), le gut feeling.
Et ce sont des jeunes de 19-20 ans qui ont le mieux résumé ce débat des chefs, interviewés dans le confort de leur salon par un journaliste de Radio-Canada tout juste après - (je paraphrase ici) : « Ça ressemblait pas mal à trois hommes qui s’obstinent et une femme posée qui parle de son programme. Manon Massé m’a impressionné. »
Car ces jeunes, encore vierges à l’arène, au langage, aux jeux politiques et à toutes ces promesses creuses de belle campagne électorale, ressentent encore la vérité avant d’élaborer leurs pensées, subodorent encore les gens et les événements avant d’interpréter et d’analyser toutes ces données cognitives politiques.
Comme nombreux téléspectateurs de ce piètre débat, ils ont bien senti que seule Manon Massé de Québec solidaire incarnait le vrai changement, une réelle rupture d’avec ce discours politique tournant perpétuellement à vide. La seule, d’ailleurs, à avoir parlé d’environnement et de l’urgence d’agir.
Mais malheureusement, à défaut d’avoir un mode de scrutin qui reflète réellement le désir des citoyens-nes, nombreux de ces électeurs rationnaliseront leurs données viscérales, intellectualiseront leur intuition et feront des choix et des calculs stratégiques afin de « gagner » leurs élections, « remporter » dans leur comté.
Car oui, dans une société individualiste et machiste comme la nôtre, on aime encore faire partie de l’équipe « gagnante », être du côté du mâle-alpha... même si tout le monde y perd au change, même si je prédis néanmoins une vague orange (pas un tsunami, mais tout de même une vague avec pas moins de 7 députés solidaires).
Car bientôt, très bientôt, les jeunes, et les autres, verront que... Orange is the new green.
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