Passer au contenu principal

Sexe, mensonges et aveuglement volontaire


Alors que des allégations d’agressions sexuelles pèsent sur l’ancien magnat du rire Gilbert Rozon, il affirmait néanmoins en février dernier : « Je suis désolé si quelqu’un a pu se sentir offensé par un propos déplacé. Je n'ai jamais fait l'amour à quelqu'un si une personne me dit non. Jamais. » 

Propos déplacé? Faire l’amour? Attendez là, il est question de présumées agressions sexuelles, relevant fort possiblement d’« une mécanique de séduction agressive avec utilisation de son pouvoir à la clé ». Rien à voir avec des propos déplacés ou même l’amour. Wake up and smell the coffee mon vieux.

L’ex-chef d’orchestre Charles Dutoit, quant à lui, « a catégoriquement nié les faits et il s'est dit particulièrement horrifié que quelqu'un l'accuse de viol. » « Horrifié » ? On parle pourtant d’une « pluie de dénonciations » ainsi que d’une pétition concernant un « climat de travail insupportable » qui ressemble drôlement à de l’abus de pouvoir et psychologique, en plus d’un conseil d’administration mis « au courant des agissements de M. Dutoit au fil des ans » qui semble, comme plusieurs, avoir préféré jouer à l’autruche ou regarder ailleurs au nom de la réputation d’une institution et des entrées sonnantes.

Il semble que monsieur joue du violon, cet air étant bien connu - « Je ne comprends pas, je n’ai rien fait de mal, etc. » - alors qu’il aurait présumément orchestré ses monstrueuses manœuvres pendant longtemps.

On ne parlera pas des autres pour le moment, comme Harvey Weinstein ou James Levine, qui y vont de puissantes attaques contre leurs victimes et ancienne institution qu’ils représentaient. C’est à la fois répugnant, choquant mais aussi très révélateur des mécanismes de la prédation et de la domination – on y reviendra ultérieurement.

Mais plusieurs questions surgissent néanmoins. Ces hommes souffrent-ils d’un décalage moral? (Le pouvoir enivre trop souvent la conscience, l’impunité venant renforcer le sentiment d'intouchabilité.) Se noient-ils simplement dans le mensonge et le déni? Ou sont-ils effectivement ces pervers narcissiques dénués d’affect, incapables de ressentir de la culpabilité et des remords, rattrapés par une longue histoire d’abus de pouvoir sous toutes ses formes, jouant soudainement aux vierges effarouchées?

Ce refus de voir la réalité en face, de reconnaître les torts ou les crimes, n’est pas seulement le lot des agresseurs, présumés ou reconnus coupables, il apparaît également chez nombreuses victimes collatérales, elles aussi manipulées, trompées et maintes fois humiliées, « prisonnières » d’un puissant mécanisme de défense qu’est le déni, la clé se trouvant dans une rigoureuse thérapie cognitivo-béhaviorale.

Camille Cosby, l’épouse de Bill, est un bel exemple de cette femme qui ne veut pas voir, entendre ou en parler - non pas par sagesse comme les trois singes qui ne veulent pas être témoin du Mal – mais bien parce que les sens et les canaux de communication sont bouchés, la cervelle ayant été maintes fois lavée, présurée et rincée par un manipulateur aguerri de mari, déviant sexuel de surcroît, à grands coups d’interminables mensonges, justifications et inventions.

Oui, elle me fait pitié.

Car lorsque cette femme de 74 ans parle de « lynchage de son mari », alors que des « dizaines de femmes [qui] affirmaient qu'il les avait sexuellement agressées au fil des années », et que Bill Cosby a lui-même « admis avoir donné des sédatifs à des femmes dans les années 70 avant d'avoir des relations sexuelles avec elles », de deux choses l’une. Soit madame ne veut pas voir, soit elle ne peut pas.

Et en attendant la sentence de son mari prévue en septembre prochain, Mme Cosby devrait visionner le reportage de Mme Winfrey à 60 Minutes sur le lynchage des Noirs aux États-Unis. Des images brutales qui font mal, qui frappent la conscience et qui parviendraient peut-être à la sortir de son déni ou aveuglement volontaire.

Karma’s a bitch. La dure réalité aussi.

Messages les plus consultés de ce blogue

Les Grands Ballets canadiens et la guerre commerciale américaine

La guerre commerciale «  made in USA  » est commencée. De toutes parts, on nous invite à boycotter les produits et les services américains. Quoi ? Vous songiez aller en vacances aux États-Unis cette année ? Oubliez ça ! Il faut dépenser son argent au Canada, mieux encore, au Québec. Dans ce contexte, on nous appelle également à boycotter Amazon (et autres GAFAM de ce monde) ainsi que Netflix, Disney, le jus d’orange, le ketchup, le papier de toilette, etc. – nommez-les, les produits américains –, en nous proposant, et ce un peu partout dans les médias québécois, des équivalents en produits canadiens afin de contrer la menace américaine qui cherche ni plus ni moins à nous affaiblir pour ensuite nous annexer. Les Américains sont parmi nous  Pourtant, les Américains sont en ville depuis longtemps. Depuis 2013, en effet, les Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM) offrent une formation américaine ( in English, mind you , et à prix très fort qui plus est) sur notre territo...

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

«Boléro» (2024), l’art de massacrer la danse et la chorégraphe

  Réalisé par Anne Fontaine ( Coco avant Chanel ), le film  Boléro  (2024) porte sur la vie du pianiste et compositeur français Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) durant la création de ce qui deviendra son plus grand chef-d’œuvre, le  Boléro , commandé par la danseuse et mécène Ida Rubinstein (Jeanne Balibar). Alors que Ravel connait pourtant un certain succès à l’étranger, il est néanmoins hanté par le doute et en panne d’inspiration.  Les faits entourant la vie de Maurice Ravel ont évidemment été retracés pour la réalisation de ce film biographique, mais, étrangement, aucune recherche ne semble avoir été effectuée pour respecter les faits, les événements et, surtout, la vérité entourant l’œuvre chorégraphique pour laquelle cette œuvre espagnole fut composée et sans laquelle cette musique de Ravel n’aurait jamais vu le jour.  Dans ce film inégal et tout en longueur, la réalisatrice française n’en avait clairement rien à faire ni à cirer de la danse, des fai...

«La Belle au bois dormant», y a-t-il une critique de danse dans la salle ?

«  Sur les planches cette semaine  » …  «  La Belle au bois dormant  est un grand classique et, en cette époque troublée, anxiogène, la beauté des grands classiques fait du bien à l’âme. Particularité de la version que présentent les Grands Ballets à la Place des Arts cette année : c’est un homme (Roddy Doble), puissant, imposant, sarcastique, qui interprète la fée Carabosse, comme l’a voulu la grande danseuse et chorégraphe brésilienne Marcia Haydée » écrit la journaliste Marie Tison, spécialiste en affaires, voyage et plein air dans La Presse .  Qu’est-ce qui est pire ? Une compagnie de ballet qui produit encore des œuvres sexistes et révolues ? Un homme qui joue le rôle d’une femme (fée Carabosse), rôle principal féminin usurpé à une danseuse ? Ou une journaliste qui ne connait absolument rien ni à la danse ni aux œuvres du répertoire classique, incapable du moindre regard ou esprit critique, qui signe constamment des papiers complaisants de s...

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle p...