Passer au contenu principal

La colère des femmes et la souveraineté du Québec


« La colère est un moteur pour l'action », écrit Françoise David dans De colère et d'espoir (Écosociété, 2011). La colère est un puissant moteur en effet. Le seul problème avec l'émotion rouge - aucun mauvais jeu de mot partisan ici -, elle demeure encore réservée aux hommes.

Colère, tristesse et dépression
Au cours des 15 dernières années, oeuvrant en santé mentale et en thérapies par les arts, je me suis grandement intéressée à la colère des femmes. D'une part, parce qu'elle apparaissait chez plusieurs d'entre elles souffrant en silence, d'autre part, parce qu'elle se pointait bien souvent là où on l'attend le moins, entre autres, chez les femmes en dépression.

Beaucoup a déjà été dit sur le sujet*, mais j'insiste néanmoins sur ce point : la colère contenue, réprimée, et ultimement retournée contre soi, est à la source de nombreuses dépressions chez les femmes.

L'expression de la colère - tout comme l'agressivité et la sexualité d'ailleurs - demeure encore aujourd'hui, dans notre société dite progressiste et égalitaire, définie à tort masculin. Conséquemment, les femmes qui expriment de la colère sont sur-le-champ « dénaturalisées », bien souvent sur la place publique par l'ensemble de la société, dépeintes comme étant « dérangées » (car dérangeantes), des « hystériques », bref, des « folles à lier » (à ce propos, consultez La danse, la folie et les femmes).

Et pourtant, la colère des femmes sera au coeur même de la prochaine révolution « plus ou moins tranquille » à laquelle Françoise David nous convie tous, puisque, comme le clamaient haut et fort les féministes durant la Révolution tranquille justement : « Pas de Québec libre sans femmes libérées».

Des femmes libérées, émancipées, indignées, en colère donc - qu'elle soit rouge, noire, bleue, orange, rose, arc-en-ciel -, émotion primaire universelle à la source du sentiment d'indignation.

Ainsi, les Québécois.es qui désirent toujours ce pays, ce Québec libre, ont donc tout intérêt à écouter la colère des femmes, car il n'y aura pas de souveraineté sans elles. « Toujours l'émancipation de la femme été liée à l'émancipation sociale » (1), affirmait de Beauvoir.

Révolution ou dépression? Pour ma part, je vote pour la première option, nationale - à nouveau, aucune partisanerie ici.

_______
* Consultez Voir rouge, issu de l'article "Seeing Red, Feeling Blue", étude portant sur l'intime relation entre la tristesse et la colère chez les femmes.

(1) Société Radio-Canada. (2004). Simone de Beauvoir - sa vie. (Documentaire). Montréal: Radio-Canada.

Messages les plus consultés de ce blogue

Les fausses belles femmes

Après les Femmes poupées, femmes robotisées , voilà maintenant de fausses belles femmes dans un factice concours de beauté. Totalement artificielles, ces femmes, vous comprenez, ces différentes images ayant été générées par l’intelligence artificielle (IA) - (lire  Miss AI - Un podium de beauté artificielle ). Pour faire simple, il s’agit en réalité d’une vraie compétition toute féminine de la plus belle fausse femme créée par des hommes. Vous me suivez ? Non, on n’arrête pas le progrès. Ce sont majoritairement des hommes qui se cachent derrière la fabrication de ces images de fausses femmes. Des créateurs masculins qui passent sûrement d’innombrables heures devant un écran d’ordinateur à créer la femme idéale (ou de leurs rêves, allez savoir), à partir, on s’en doute, de leurs désirs, fantasmes, idéaux et propres standards de beauté – la beauté étant dans les yeux de celui qui regarde évidemment. Une beauté exclusivement physique, rappelons-le.  Même le jury est artificiel – à l’excep

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en