C’était le 16 juin 2015. On regardait la scène avec un sourire en coin. Tout cela nous semblait tellement incroyable, absurde et à la fois amusant. Du pur « entertainment » à l’américaine comme seuls nos voisins du Sud savent le faire. Maudit qu’ils l’ont, l’affaire (et le gros ego), les Américains.
Dans une mise en scène surréaliste qui semblait alors arrangée avec le gars des vues comme de la télé, la vedette de téléréalité américaine, Donald Trump, descendait l’escalier roulant doré de la Trump Tower à Manhattan. Précédé de son épouse Melania, vêtue d’une légère robe blanche virginale, le célèbre magnat de l’immobilier venait annoncer au monde entier sa candidature pour la présidence des États-Unis. Il lança ainsi sa première campagne présidentielle devant une petite foule de partisans que plusieurs affirmaient être de simples figurants rémunérés.
À l’époque, on riait. Pur fantasme, pure fantaisie. « Mais que se passe-t-il, bon sang, aux États-Unis ? », avais-je alors demandé à une Américaine de passage dans Hochelag’. « It’s a joke. » Tout cela avait effectivement l’apparence d’une mauvaise blague, d’une mascarade. La majorité des experts s’entendaient d’ailleurs sur un point – presque tous l’affirmaient haut et fort : Trump ne sera jamais élu président des États-Unis. Ce n’était, nous disait-on, qu’une mise en scène, de l’« exposure » médiatique, de l’opportunisme, de l’autopromotion typiquement trumpiste.
Une star de téléréalité américaine à la tête de la Maison-Blanche, de la plus grande puissance au monde ? Ben voyons donc ! Oubliez ça. Hilary Clinton devait assurément briser le plafond de verre en 2016. Ce n’était qu’une question de temps. En attendant, calmez-vous le pompon et respirez par le nez.
À cette époque, son fils Barron avait 9 ans et son épouse Melania, elle, ne le repoussait pas encore – ni de la main ni à l’aide d’un élégant chapeau à très large bord. Toute la famille Trump était réunie sur la scène, souriant de leurs belles dents blanches. Et vous vous souvenez du slogan imprimé sur l’immense pancarte à côté de la scène comme sur des t-shirts de certains participants ? « Make America Great Again! » (MAGA).
Qui, le 16 juin 2015, aurait pu prédire la suite ? Qui aurait pu affirmer que ce slogan en apparence très simple, voire simpliste, allait devenir un véritable culte autour de la personnalité narcissique du président américain orange ? Car depuis cet épisode de l’escalier doré (jusqu’au golden dome, en passant par le golden shower), tout a littéralement été dit et écrit à propos de cet être immonde et narcissique, un homme ignoble, ignorant et sans scrupule qui n’était pas assez digne, ni apte à devenir le président des États-Unis.
Dix ans plus tard, pourtant, non seulement Donald Trump est toujours là, mais il effectue son deuxième mandat. Dix années après cet épisode surréaliste dans l’escalier roulant de la Trump Tower, Donald Trump règne en pseudo-roi, en autocrate, en dictateur en puissance, en développement et en croissance sur les États-Unis, s’offrant de surcroît une parade militaire pour son anniversaire. Il l’avait affirmé maintes fois qu’il souhaitait un jour voir une telle parade devant lui et il l’a eue. Apparemment, ce que Trump veut…
À force de répéter le même message, de marteler un slogan aussi simple que « Make America Great Again » pendant dix années consécutives, sans arrêt, MAGA est devenu à la fois une tribu, un acte de foi, une croyance, une religion ainsi qu’un effroyable mouvement politique américain. Et aussi incrédules que nous l’étions en 2015, nous regardons aujourd’hui la scène politique américaine avec effroi. Ce pays autrefois démocratique, le plus grand défenseur des droits humains comme des libertés humaines dans le monde, est non seulement méconnaissable, mais sauvagement démantelé sous nos yeux.
« In God We Trust », est-il inscrit sur les pièces de monnaie et les billets américains. Si Dieu existe, eh bien, « Make America Think Again ».
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Images : captures d’écran