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Manifester en temps de pandémie



On peut se rendre à une manif et ne jamais y participer. Cela m’est arrivé maintes fois. J’arrive sur les lieux du rassemblement et, comme une bonne chienne vigilante, en alerte, je fais le tour de la place, sens les gens, hume la foule, lis les pancartes. Lorsque j’y remarque des stupidités comme, entre autres exemples, comparer la CAQ au KKK, un slogan scandé ou écrit noir sur blanc sur des pancartes – « Ben voyons donc, faut quand même pas exagérer ! » – je sacre alors mon camp. Non merci, elle est repartie.

Et c’est ce qui est arrivé dimanche dernier, lors de cette manif de solidarité contre le racisme et la violence policière envers les Noirs, au centre-ville de Montréal. Après avoir jasé brièvement avec une journaliste sur place –
« Pensez-vous que ça va brasser ? », « J’espère que non », m’a-t-elle répondu – je me suis promenée dans tous les sens pour saisir, capter l’ambiance.

D’une part, il y avait beaucoup, beaucoup de monde. Beaucoup plus que ce à quoi on s’attendait, dans ce contexte de coronavirus. Il est difficile de respecter les deux mètres de distance dans de telles circonstances et, pour ma part, je ne prends pas de chance.

Ensuite, plusieurs choses clochaient, à mes yeux, dans ce rassemblement, à commencer par cette pancarte d’une des organisatrices, invraisemblablement : « Racism is a virus » (Le racisme est un virus – presque toutes les affiches étaient bizarrement rédigées en anglais d'ailleurs). Euh… non. Le racisme ne « s’attrape » pas d'un micro-organisme, ça s’apprend. Par mimétisme, par imitation, c’est généralement une question d’éducation. « C’est quoi c’t’affaire-là ? »

Plus important encore, ça sentait la casse avant même que ça commence. Ça sentait les opportunistes qui étaient là pour les mauvaises raisons et qui, grâce à cette pandémie de COVID-19, portaient un beau grand masque noir opaque, non pas pour leur protection ou celle des autres, mais simplement pour cacher leur visage. Ça tombe bien, la Santé publique encourage justement le port du couvre-visage. Bye, moi je dégage…

Et de la casse, il y en a eu. On l’a tous suivie en direct à la télévision, vu ces commerces de la rue Ste-Catherine saccagés, pillés, alors qu’ils en arrachent déjà, depuis le début de cette pandémie, de ce confinement montréalais qui ne finit plus.

« Tu crois que tu es un activiste, un révolutionnaire, un citoyen qui se bat pour que le monde change, alors que tu n’es qu’un minable, un vulgaire voleur. À la limite, la cause, tu t’en fous », écrit Richard Martineau dans Lettre au voleur de guitares (Journal de Montréal, 2 juin 2020).

Voilà, c’est ça, ça sentait la vulgarité, la canaillerie, cette odeur fétide qu'exhalent habituellement ces groupuscules qui se greffent à une manif qui se veut d'abord et avant tout pacifique, simplement pour charger, décharger, se défouler. Pour le « pétard » toutefois, fallait être sur le terrain pour savoir qu'ils l’ont fumé sur place, bien avant de tout casser.

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Photo : « Black Lives Matter », manif contre le racisme, Montréal, 31 mai 2020.

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