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«Lumière pâle sur les collines»

Je ne connaissais ni l’auteur ni ce titre. Le bouquin m’est tombé dans les mains en allant chercher mes « réservations » à la Grande Bibliothèque. L’usager voisin alphabétique juste à côté sur la rangée avait réservé ce mince livre : Lumière pâle sur les collines. J’étais intriguée. 

Évidemment j’ai été happée d’un coup en lisant le résumé en quatrième de couverture. Il y avait ce mot en « s » qui, immanquablement, attire mon attention : « Après le suicide de sa fille aînée, Etsuko, une Japonaise installée en Angleterre, se replonge dans les souvenirs de sa vie. » Tout à coup, j’étais aspirée. 

Ce premier roman de Kazuo Ishiguro, Prix Nobel de littérature en 2017, a été publié en 1982. Je n’avais jamais lu d’auteur japonais (un vrai écrivain japonais), ni aucun roman dans mon souvenir qui se passait au Japon. J’ignorais tout de cet auteur couronné par ce prestigieux prix de même que de cette écriture envoûtante tout en douceur. Impatiente comme je suis, j’ai dévoré ce livre en appréhendant le punch de l’intrigue. Quelle innocente… 

Au Japon, de toute évidence, les gens sont très, très polis. Ils s’inclinent souvent (en arrivant quelque part, en rencontrant quelqu’un, lors de remerciements, de salutations, etc.). Je n’avais jamais lu le mot « inclination » aussi souvent ni le verbe « incliner » conjugué à autant de temps de verbe. Et les Japonais s’excusent souvent, pour ne pas offenser personne, tout en répétant exactement les mêmes mots qu’ils ont prononcés auparavant. Patience, ma belle.

Car tout se passe très, très lentement. C’est une ambiance intrigante qui se construit, pas un suspense habituel avec des moments clés et des revirements de situation. Et pourtant, on est hypnotisé, sous l’emprise de l’auteur qui prend la douce voix d’une narratrice. Je ne pouvais plus arrêter ma lecture, cherchant à comprendre à quoi rimait tout cela. 

Après avoir fermé le livre à la toute fin, à la dernière page, j’étais furieuse. Seule dans ma chambre, j’ai lancé : « Tout ça pour ça ! » Non, il n’y a pas d’action ni de punch ni de grand dévoilement qui vous frappe sur la gueule à la fin, au terme de l’ouvrage. En revanche, l’envoûtement est total. 

Pendant des heures (et quelques nuits), ces personnages me hantaient encore. Surtout cette ambiance inexplicable. Tranquillement, subtilement, on comprend ce qui est arrivé, on devine ce qui s’est passé. Rien n’est dit, tout est suggéré. Tout en douceur, l’auteur nous capte, nous captive, nous hypnotise. C’est une ambiance qui nous enveloppe, comme si l’auteur avait mystérieusement tissé une toile autour du lecteur. 

Kazuo Ishiguro n’est pas juste un auteur, un grand écrivain britannique d’origine japonaise qui a reçu le Nobel de littérature en 2017, c’est un artisan, un tisserand d’orbes en zigzag comme l’« araignée écrivaine ». 

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